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LIVRE PREMIER

Firenzuola. Ayant entendu mes raisons, que je disais de façon qu’on pouvait parfaitement les entendre, il me prit sous sa protection et engagea Firenzuola à me payer. La dispute fut vive, car ce Firenzuola était bien plus adroit ferrailleur qu’habile orfèvre. Cependant la justice et la raison devaient l’emporter, et je les appuyai avec tant de valeur, que je fus payé. Plus tard, Firenzuola et moi devînmes amis, et je tins, à sa prière, un de ses enfants sur les fonts baptismaux.

Je travaillai donc chez maestro Pagolo Arsago. Je gagnai avec lui beaucoup d’argent, dont j’envoyai toujours la plus grande partie à mon bon père. Au bout de deux ans, ses sollicitations me déterminèrent à retourner à Florence. Je rentrai chez Francesco Salimbene, auprès duquel je réalisai de gros bénéfices. Je n’épargnais ni peines ni fatigues pour me perfectionner dans mon art. Je renouai amitié avec Francesco Lippi, et, bien que je me fusse lancé dans les plaisirs pour me distraire des ennuis que me causait ma maudite flûte, je ne laissais pas de consacrer quelques heures du jour ou de la nuit à de sérieuses études[1].

À cette époque je ciselai en argent un chiavacuore : c’était une ceinture large de trois doigts, en demi-relief et ornée de figurines en ronde bosse, dont les nouvelles mariées avaient alors coutume de se parer. Je fis cet ouvrage pour Raffaello Lapaccini. Il me fut très-mal payé, mais l’honneur qu’il me valut fut bien plus grand que le prix que j’en pouvais justement espérer.

  1. Dans le manuscrit original, Cellini a rayé le passage suivant, que l’on peut cependant encore déchiffrer : « Je me trouvais à Florence avec Girolamino, frère de Pierino, Giovannino, frère de Daniello, et Giovan Francesco Porri. Nous formions le meilleur quatuor de cornets que l’on eût entendu jusqu’alors. Je faisais cela par amour de la bonne musique, et aussi pour complaire à mon pauvre vieux père, à qui je prolongeai ainsi la vie de plusieurs années. Heureux qui pouvait nous avoir ou nous entendre ! Un soir, entre autres, après avoir donné une sérénade à Filippo Strozzi, nous allâmes tous les quatre dans la Via-Larga, et là nous avions recommencé à sonner, lorsque nous