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LIVRE PREMIER

Je songeai à la douleur et à l’inquiétude que mon père pouvait éprouver à cause de moi. Je lui écrivis donc que je demeurais chez un excellent homme nommé maestro Ulivieri della Chiostra, et que je travaillais avec lui à une foule de beaux et importants ouvrages. J’ajoutai qu’il ne devait point se tourmenter, puisque je ne pensais qu’à m’instruire, et enfin que j’espérais revenir bientôt près de lui avec des talents qui lui vaudraient à la fois honneur et profit.

Mon bon père répondit de suite à ma lettre : — « Mon fils, l’amour que je te porte est si grand, que, n’eussent été les convenances que j’observe par-dessus tout, je serais immédiatement accouru près de toi ; car il me semble que j’ai perdu la vue depuis que je ne te vois plus chaque jour, comme j’en avais l’habitude. Je veillerai à ce que ma maison soit tenue honorablement jusqu’à la fin. Quant à toi, applique-toi à acquérir des talents. Enfin, n’oublie jamais et suis religieusement ce simple précepte : Il faut être honnête et probe dans la maison où l’on veut rester. » — Cette lettre tomba entre les mains de mon maître Ulivieri, qui la lut en cachette. Il me l’avoua plus tard et me dit : — « Benvenuto mio, ta bonne mine ne m’avait point trompé, comme me le confirme cette lettre de ton père, qui est un brave et digne homme. Ainsi, agis comme si tu étais dans ta propre maison et avec ton père. »

Je profitai de mon séjour à Pise pour visiter le Campo-Santo. J’y trouvai une foule d’antiquités d’une rare beauté, telles que des sarcophages de marbre ; en maints endroits de la même ville je rencontrai beaucoup d’autres monuments antiques, auxquels je consacrai assidûment toutes les journées que le travail de la boutique me laissait libres. Mon maître se plaisait à venir me voir dans la petite chambre qu’il m’avait donnée. Il ne tarda pas à s’apercevoir que tous mes instants étaient bien employés ; aussi m’ai-