Page:Cellini, Oeuvres completes, trad leclanché, 1847.djvu/345

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

médaillon au duc, le Fiaschino vint, à une heure de la nuit, m’apporter un anneau enrichi d’un diamant qui avait beaucoup d’apparence. Il me dit en même temps, de la part de son duc, que Son Excellence désirait qu’en souvenir d’elle ce diamant ornât la main habile qui avait si bien travaillé. Le lendemain matin, j’examinai cet anneau ; je vis que le diamant n’était qu’une mauvaise petite pierre fort mince de la valeur d’une dizaine d’écus environ. Je ne voulus pas que les merveilleux compliments du duc fussent accompagnés d’une si maigre récompense, ni que Son Excellence crût m’avoir satisfait ; d’autant plus que je pensai que son coquin de trésorier était l’auteur de cette ladrerie. Je confiai donc l’anneau à un de mes amis nommé Bernardo Saliti pour qu’il le rendît, n’importe de quelle façon, au camérier Fiaschino. Il s’acquitta admirablement de cette commission. Le Fiaschino accourut aussitôt chez moi, et me dit, avec force exclamations, que, si le duc savait que j’eusse ainsi renvoyé un présent qu’il m’avait offert si gracieusement, il en serait très-irrité, et que peut-être j’aurais lieu de m’en repentir. Je lui répondis : — « L’anneau que le duc m’a donné vaut à peu près une dizaine d’écus, et l’ouvrage que j’ai exécuté pour lui en vaut plus de deux cents. Toutefois, pour montrer au duc combien j’apprécie ses bontés, il n’a qu’à m’envoyer un de ces anneaux pour la migraine, qui viennent d’Angleterre, et qui valent un carlin environ ; je le garderai toute ma vie comme un précieux souvenir, et je n’oublierai jamais les choses gracieuses que Son Excellence m’a fait dire. Mes peines avaient été largement payées par l’estime de Son Excellence, lorsque son mesquin joyau est venu les ravaler. » — Ces paroles causèrent une si vive contrariété au duc qu’il appela son trésorier et qu’il l’accabla de reproches tels qu’il ne lui en avait jamais adressé. Il me fit enjoindre, sous peine d’encourir sa disgrâce, de ne point