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cuser, avait dit qu’une petite maladie m’avait forcé de m’arrêter à Lyon dans une de ses abbayes, mais qu’il aurait soin que je me rendisse bientôt près de Sa Majesté. Voilà pourquoi messer Alberto exigeait que je courusse en poste.

Ce messer Alberto était un fort honnête homme, mais d’une arrogance que la maladie avait contribué à pousser à un point intolérable. Comme je l’ai noté, il me signifia donc que j’eusse à me préparer à courir la poste. Je lui répondis que mon art ne se pratiquait pas en poste, et que, si j’avais à voyager, j’entendais que ce fût à petites journées et en compagnie de mes ouvriers Ascanio et Pagolo que j’avais amenés de Rome, et que, de plus, je voulais qu’un valet attaché à mon service nous suivit à cheval, et qu’on me remit tout l’argent nécessaire pour la route. Ce vieil infirme me répliqua, avec un ton de hauteur sans égale, que les fils du duc voyageaient de cette façon et non autrement. Je lui ripostai sur-le-champ : — « N’ayant jamais été fils de duc, je ne sais comment ces personnages voyagent ; mais les fils de mon art voyagent ainsi que je l’ai dit. » — J’ajoutai que, s’il blessait encore mes oreilles par de semblables paroles, je n’irais point en France, et que ces insolences et le manque de foi du cardinal m’ôteraient à coup sûr tout désir d’avoir affaire à des Ferrarais. Là-dessus, je le quittai et lui tournai les épaules en murmurant ; tandis que lui, de son côté, continuait ses menaces.

J’allai trouver le duc et je lui portai son médaillon, qui était terminé. Il me fit l’accueil le plus honorable que l’on puisse imaginer. Il avait chargé son messer Girolamo Giliolo de chercher, pour récompenser mon travail, un diamant de la valeur de deux cents écus monté en anneau, et de le remettre au Fiaschino, son camérier, pour qu’il me le donnât. En effet, le jour même où je rendis le