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Pendant que ce vieillard était malade, le duc m’appela et voulut que j’exécutasse son propre portrait. Je le fis sur une pierre noire de forme circulaire et de la dimension d’un petit tailloir de table. Mon travail et ma conversation plaisaient au duc : aussi consentait-il souvent à poser devant moi quatre ou cinq heures au moins ; quelquefois même il me gardait à souper avec lui. Huit jours me suffirent pour terminer son portrait. Il me demanda ensuite un revers. Je lui représentai la Paix sous la figure d’une femme tenant une petite torche et mettant le feu à un trophée d’armes. L’attitude de la Paix dénotait l’allégresse. Les draperies qui la couvraient étaient d’une légèreté et d’une élégance extrêmes. Elle foulait aux pieds la sombre Fureur désespérée et chargée de chaînes. J’apportai une application extraordinaire à cet ouvrage ; il me fit le plus grand honneur. Le duc ne pouvait se lasser de me témoigner sa satisfaction. Il me dicta lui-même les inscriptions qui devaient accompagner la face et le revers. Sur ce dernier, je gravai ces mots : Pretiosa in conspectu Domini, ce qui signifiait que la paix avait été chèrement vendue.

Tandis que je travaillais à ce revers, le cardinal m’écrivit de me tenir prêt à partir, attendu que le roi m’avait demandé. Les premières lettres que je recevrais de lui, ajoutait-il, me montreraient la réalisation de tout ce qu’il m’avait promis. Je veillai aussitôt à ce qu’on emballât précieusement mon bassin et mon aiguière, que le duc avait déjà vus.

Les affaires du cardinal étaient confiées aux soins d’un gentilhomme ferrarais nommé messer Alberto Bendedio. Depuis douze ans, une infirmité empêchait cet homme de sortir de sa maison. Un jour il m’envoya chercher en toute hâte, et me dit qu’il fallait que je montasse de suite en poste pour aller trouver le roi, qui m’avait instamment demandé, me croyant en France. Le cardinal, pour s’ex-