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Quest’ arme che sepolta è stata tanto
Sotto la santa croce mansueta,
Mostra or la faccia gloriosa e lieta,
Aspettando di Pietro il sacro ammanto.

Toute la ville de Florence lut cette épigramme. Peu de jours après, mourut le pape Jules II. Le cardinal de Médicis se rendit alors à Rome et, contre l’attente universelle, fut élu pape, sous le nom de Léon X. Mon père lui ayant envoyé ses quatre vers prophétiques, le pape l’invita à venir à sa cour, en lui assurant qu’il s’en trouverait bien. Mon père ne voulut point quitter Florence, et, au lieu d’être récompensé, fut privé de sa place par Jacopo Salviati, lorsque celui-ci fut nommé gonfalonier. Cela fut cause que je m’appliquai à l’orfèvrerie ; je passais une partie de mon temps à l’étude de cet art, et l’autre à jouer de la flûte, bien contre mon gré[1].

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À ces mots, je le priai de me laisser dessiner un certain nombre d’heures par jour, m’engageant, pour le contenter, à consacrer toutes les autres à la flûte. — « Ainsi donc, s’écria-t-il, tu n’as aucun plaisir à jouer de cet instrument ? » — Je lui répondis que non, parce que la profession de musicien me paraissait trop au-dessous de ce que je rêvais.

Mon bon père, au désespoir, me fit entrer dans l’atelier du père du chevalier Bandinelli, qui se nommait Michelagnolo. Cet habile orfèvre était de Pinzi di Monte[2]. Il n’avait point une origine illustre, car son père était charbonnier. Le Bandinelli, du reste, n’est point à blâmer d’avoir, le premier, jeté les fondements de sa maison, s’il l’a fait avec honneur. Quoi qu’il en soit, je n’en ai rien à dire. À peine eus-je passé quelques jours chez Michelagnolo, que

  1. Cette lacune existe dans le manuscrit original. L. L.
  2. Michelagnolo di Viviano était originaire de Gaiuole, suivant Vasari, qui le présente comme le premier orfèvre de Florence. — Voy. Vasari, Vies des peintres, t. V, p. 312 de notre traduction. L. L.