Page:Cellini, Oeuvres completes, trad leclanché, 1847.djvu/28

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une somme moindre que celle que vous demandez ? Sur ce, je vous dis que la femme est à moi, et, quant à la dot, je veux qu’elle soit à vous. » — Ces paroles ayant irrité Andrea Cellini, qui était assez colère de son naturel, Giovanni partit avec sa femme au bout de quelques jours, et ne parla plus de la dot.

Les deux époux jouirent de leur jeunesse et de leur saint amour, pendant dix-huit ans, avec le vif désir d’avoir des enfants. Au bout de la dix-huitième année, la maladresse des médecins fut cause que la femme de Giovanni avorta de deux jumeaux. Elle redevint enceinte et mit au monde une fille à qui l’on donna le nom de Cosa, en mémoire de la mère de mon père. Deux ans plus tard elle eut une nouvelle grossesse, pendant laquelle se manifestèrent chez elle des envies exactement semblables à celles qui avaient marqué la précédente. Comme on fait grande attention à ces envies, on était si convaincu qu’elle aurait encore une fille, qu’on avait décidé de la nommer Reparata, en souvenir de mon aïeule maternelle. L’accouchement eut lieu la nuit qui suivit le jour de la Toussaint, à quatre heures et demie, précisément l’an 1500.

La sage-femme savait que l’on attendait une fille. Dès qu’elle eut lavé et enveloppé l’enfant dans de superbes langes blancs, elle alla sans bruit trouver mon père, et lui dit : — « Je vous apporte un beau présent que vous n’attendiez pas. » — Mon père, vrai philosophe, était alors en train de se promener. — « Ce que Dieu me donne, lui répondit-il, m’est toujours cher ; » — et ayant écarté les langes, il vit de ses yeux le fils inespéré. Aussitôt il joignit ses vieilles mains, leva les yeux au ciel, et s’écria : — «  Seigneur, je te remercie à plein cœur ! Cet enfant m’est bien cher, qu’il soit le bienvenu. » — Tous les assistants lui demandèrent quel nom il fallait donner au nouveau-né. Sa seule réponse fut : — « Qu’il soit le bienvenu (Benvenuto). » —