Page:Cellini, Oeuvres completes, trad leclanché, 1847.djvu/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jamais chargé de ces iniquités (il me semble même que de ma vie je n’ai joui d’un plus grand contentement d’esprit et d’une meilleure santé) ; aujourd’hui enfin qu’au souvenir de quelques instants heureux vient se joindre celui de maux tellement inimaginables, que je suis saisi à la fois d’épouvante et d’admiration en voyant que j’ai pu arriver à cet âge de cinquante-huit ans avec lequel, grâce à Dieu, je marche si heureusement en avant.

Quand on s’est fait connaître au monde par des travaux de quelque distinction, il devrait suffire de s’être montré homme et de s’être illustré ; mais il faut vivre comme les autres, de sorte que dans nos actions vient toujours se mêler un peu de cette sotte gloriole qui a plusieurs sources différentes, dont la première est le désir de proclamer que l’on est de bon et antique lignage. Je dirai donc que je me nomme Benvenuto Cellini et que je suis fils de maestro Giovanni, dont le père s’appelait Andrea et le grand-père Cristofano Cellini. Ma mère, Maria-Elisabetta, était fille de Stefano Granacci. Tous deux étaient de Florence.

On lit dans les chroniques laissées par d’anciens Florentins dignes de foi, comme l’atteste Giovanni Villani, que Florence fut bâtie à l’imitation de la belle ville de Rome. En effet, près de Santa-Croce, on rencontre quelques vestiges du Colysée et des Thermes. Le Capitole était à l’endroit où se trouve aujourd’hui le Mercato-Vecchio. La Rotonda est encore entièrement sur pied ; ce temple, jadis construit en l’honneur de Mars, est maintenant dédié à notre saint Jean. On voit très-bien et l’on ne peut nier qu’il en fut ainsi ; toutefois avouons que ces édifices sont beaucoup plus petits que ceux de Rome. Ils furent bâtis, dit-on, par Jules-César et des gentilshommes romains qui, après avoir vaincu et pris Fiesole, élevèrent une ville dans cet endroit, en se chargeant chacun de construire un de ces monuments remarquables.