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LIVRE DEUXIÈME.

de génie et incapables de se sustenter. Moi, au contraire, mon faible talent me rapporte au delà de mes besoins ; car, chaque matin, avant mon dîner, je gagne au moins trois écus, quand je travaille aux coins de la Monnaie, qu’il a toujours été d’usage de payer ainsi. Cet imbécile de directeur est mon ennemi, parce qu’il voudrait les avoir à meilleur marché. Ce que je gagne par la grâce de Dieu me suffit grandement, et je serais loin de gagner autant en fabriquant de la fausse monnaie. » — Le pape me comprit très-bien. Il avait ordonné que l’on veillât adroitement à ce que je ne partisse point de Rome, mais il enjoignit aussitôt à ses agents de continuer avec soin leurs recherches, sans plus s’inquiéter de moi ; car il n’aurait pas voulu m’irriter dans la crainte de me perdre. Il chargea spécialement de cette affaire quelques clercs de la chambre, qui s’en occupèrent avec tant d’activité, que bientôt ils mirent la main sur le criminel. C’était un citoyen romain, ouvrier à la Monnaie même. Il se nommait Ceseri Macherone. On arrêta avec lui un ovolatore[1] de la Monnaie.

Ce même jour je passai sur la place Navona, en compagnie de mon superbe barbet. Quand je fus arrivé devant la porte du Bargello, mon chien s’y précipita en aboyant, et se jeta sur un jeune homme qu’un certain Donnino, orfèvre de Parme et ancien élève de Caradosso, avait fait arrêter, parce qu’il avait lieu de le soupçonner de vol. Mon chien faisait de tels efforts pour le mettre en pièces, que les sbires furent touchés de compassion, d’autant plus que cet effronté coquin s’était très-bien défendu contre les accusations de Donnino, qui ne semblaient pas suffisam-

  1. La signification de ce mot, que l’on ne rencontre que dans Cellini, est inconnue à la Monnaie de Florence et à celle de Rome. Le signor Piatti a fait une longue dissertation pour prouver qu’il faut lire covolalore, terme qui signifierait fondeur de métaux.

    (Note de l’édition italienne de Molini.)