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ayant appris que j’étais à Florence, Sa Sainteté le chargea de m’écrire de revenir. La lettre dont j’ai parlé plus haut disait que je devais retourner au service de Clément, et que je m’en trouverais bien. Les jeunes gens qui étaient présents voulurent savoir ce qu’elle contenait, mais je le leur cachai de mon mieux. Je répondis à messer Jacopo, en le priant de ne plus m’écrire, ni en bien, ni en mal. Il n’en devint que plus pressant, et m’adressa une seconde épître, qui sortait tellement des bornes que, si elle eût été vue, il m’en serait advenu malheur. En effet, il m’écrivait de me rendre de suite auprès du pape, qui voulait m’employer à des affaires de la plus haute importance, et il ajoutait que, si j’agissais sagement, je laisserais immédiatement tout de côté, et me séparerais de ces fous enragés qui se tournaient contre Sa Sainteté. Cette lettre m’effraya tellement, que j’allai trouver mon fidèle ami Pier Landi. À peine m’eut-il aperçu, qu’il me demanda ce qui m’était arrivé de nouveau, pour que je fusse si bouleversé. Je lui répondis qu’il m’était absolument impossible de lui confier ce que j’avais ; je le priai seulement de prendre les clefs que je lui présentais, et de restituer les joyaux et l’or qui étaient dans ma boutique aux personnes dont il trouverait les noms sur mon livret. Je le priai encore de veiller, avec sa bonté accoutumée, sur ce que je laissais dans ma maison, en lui assurant qu’avant peu de jours il saurait où j’allais. Ce sage jeune homme, qui se doutait peut-être de la chose, me dit : — « Frère, pars vite, écris-moi, et ne sois point inquiet de tes affaires. » — Je suivis son conseil. Jamais je n’ai eu un ami plus fidèle, plus prudent, plus vertueux, plus discret et plus dévoué. Je quittai donc Florence et me rendis à Rome, d’où je lui écrivis.