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sieurs années, désira avoir une médaille représentant Atlas portant le ciel sur ses épaules.

Il demanda un croquis au grand Michel-Ange ; mais celui-ci lui dit : — « Allez trouver un jeune orfèvre nommé Benvenuto ; il vous servira très-bien, et, à coup sûr, il n’a pas besoin de mon dessin. Mais, pour que vous ne pensiez pas que je veuille vous refuser une semblable bagatelle, je vous ferai très-volontiers un dessin. Néanmoins, voyez Benvenuto ; que de son côté il vous fasse un petit modèle, vous prendrez le meilleur des deux. » — Federigo Ginori vint me trouver, et m’expliqua ce qu’il voulait. Il me dit ensuite combien ce divin Michel-Ange m’avait loué, et il ajouta qu’il fallait que je préparasse un petit modèle en cire, pendant que cet homme admirable exécuterait le dessin qu’il lui avait promis. Les éloges de Michel-Ange m’inspirèrent un tel courage, que je commençai de suite mon modèle. Je venais de le terminer, lorsqu’un peintre, ami de Michel-Ange, nommé Giuliano Bugiardini[1], m’apporta le dessin de l’Atlas. Je montrai aussitôt à Giuliano mon petit modèle en cire, qui était tout à fait différent du dessin de Michel-Ange. Federigo et Giuliano décidèrent que je devais suivre mon modèle. Michel-Ange vit mon ouvrage, et il me le vanta au delà de toute expression. C’était une figure ciselée en métal ; sur son dos était le ciel, représenté par une boule de cristal, où j’avais gravé le zodiaque. Elle se détachait sur un fond de lapis-lazuli. On ne pourrait rien imaginer de plus beau. Au bas on

  1. Giuliano Bugiardini, condisciple et ami de Michel-Ange, mourut en 1556, à l’âge de soixante-quinze ans. Vasari le représente comme un pauvre compagnon plus que naïf, et poussant à l’excès le contentement de lui-même et l’admiration pour ses propres ouvrages. Quoi qu’il en soit, il a laissé à Bologne et à Florence des ouvrages d’un haut mérite. Si les maîtres les plus illustres de Florence lui sont souvent supérieurs par la richesse de l’invention, l’énergie et l’originalité du style, il est toujours leur égal par la correction du dessin et la beauté de l’exécution. — Voyez Vasari, Vie de Giuliano Bugiardini, t. VIII, p. 179-187.