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de militaires faisant ripaille : — « Benvenuto, me dit-il, si tu étais capable d’envoyer avec ton demi-canon un boulet à une brasse de ce soleil, je crois que tu ferais une bonne besogne ; car il vient de là un grand bruit qui annonce des personnages de haute importance. » — « Je m’engagerais bien, lui répondis-je, à frapper au beau milieu du soleil, mais voici, près de la bouche de mon canon, un gabion l’empli de pierres, que la force de l’explosion et l’ébranlement de l’air ne manqueraient pas de jeter à terre. » — « Ne perds pas de temps, Benvenuto, me répliqua le signor Orazio ; d’abord ce gabion est placé de façon à ne pouvoir tomber : et ensuite, lors même qu’il tomberait et que le pape serait dessous, il y aurait moins de mal que tu ne penses : ainsi donc, feu ! feu ! » — Moi, sans réfléchir davantage, je touchai, selon ma promesse, au centre du soleil. Le gabion, comme je l’avais annoncé, tomba, et précisément entre le cardinal Farnese et messer Jacopo Salviati. S’il ne les écrasa pas tous deux, c’est qu’ils venaient de s’éloigner un peu l’un de l’autre, en se disant des injures, parce que le cardinal Farnese avait accusé messer Jacopo d’être la cause du sac de Rome. Aux cris qui s’élevèrent de la cour qui se trouvait au-dessous de nous, le signor Orazio descendit en toute hâte. Quant à moi, m’étant avancé pour voir ce qui se passait, j’entendis dire que l’on ferait bien de tuer le bombardier. Je me tins pour averti, et je braquai au sommet de l’escalier deux fauconneaux, déterminé à mettre le feu à l’un des deux, si l’on se hasardait à monter. Le cardinal Farnese ordonna probablement à ses gens de me faire un mauvais parti. Je les attendis la mèche à la main. Ayant reconnu quelques-uns d’entre eux, je leur criai : — « Vils sacripants, si vous ne décampez à l’instant, et si l’un de vous ose mettre le pied sur cet escalier, j’ai là deux fauconneaux qui vous pulvériseront. Allez dire au cardinal que j’ai obéi à mes chefs, et