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MÉMOIRES DE BENVENUTO CELLINI

à marches forcées. Tous les habitants prirent les armes.

J’étais intimement lié avec Alessandro, fils de Piero del Bene. Lors de la venue des Colonna à Rome, il m’avait chargé de garder sa maison. Dans cette nouvelle et infiniment plus grave conjoncture, il me pria de lui rendre le même service, de lever une compagnie de cinquante hommes, et de me mettre à leur tête, comme j’avais fait du temps des Colonna. Je rassemblai donc cinquante jeunes gens d’un courage à toute épreuve, et nous entrâmes dans la maison d’Alessandro, où nous fûmes bien payés et bien traités.

L’armée de Bourbon étant arrivée sous les murs de Rome, Alessandro del Bene m’invita à l’accompagner pour aller examiner l’ennemi. Nous prîmes avec nous un de nos plus solides camarades, et nous rencontrâmes en chemin un jeune homme, nommé Cecchino della Casa, lequel se joignit à nous. Nous nous dirigeâmes vers les murailles du Campo-Santo, et de là nous vîmes cette terrible armée qui s’efforçait de pénétrer dans la ville. À l’endroit où nous nous trouvions, les assiégeants avaient déjà tué plusieurs jeunes gens ; on se battait avec un acharnement extrême : nous étions enveloppés d’un nuage d’une épaisseur inimaginable. Je me tournai vers Alessandro et je lui dis : — « Retirons-nous le plus promptement possible, car ici la position n’est pas tenable, voyez, l’ennemi escalade les murs et les nôtres s’enfuient. » — Alessandro épouvanté s’écria : — « Plût à Dieu que nous ne fussions point venus ! » — et il allait partir à toutes jambes, lorsque je lui dis : « Puisque vous m’avez amené ici, il faut faire quelque action digne d’un homme. » — Aussitôt, je dirigeai mon arquebuse vers le groupe de combattants qui me parut le plus nombreux et le plus serré, et je visai un personnage qui dominait tous les autres. Il y avait un nuage de poussière si épais, que je ne pus distinguer s’il était à cheval