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la revue

part le travailleur ne s’est senti libre. Il a toujours pensé qu’une emprise cherchait à s’exercer sur lui au nom de la religion, de la société, du patron, que des intérêts ou des arrières-pensées rodaient autour de lui. Il ne s’est pas livré et il est retourné au cabaret parce que c’était décidément le seul endroit où l’on goûte un repos indépendant et où l’on se « dételle » soi-même à son gré.

Ces institutions issues de bonnes volontés indéniables sinon adroitement exprimées furent des nouveautés dans l’histoire de la civilisation. Du moins elles semblent telles, car depuis qu’on a découvert une trousse de chirurgien à Pompéï et des vestiges d’ascenseurs dans le palais des Césars, il convient d’affirmer prudemment en matière de nouveautés… En tous cas, dans le passé que nous connaissons, n’y aurait-il aucune institution utilisable dans la lutte contre l’alcoolisme ?

Mais si, il y en a une ; c’est le gymnase antique, le gymnase grec.

Et voilà deux images également évincées, lecteurs, qui vont tout de suite jaillir dans vos esprits. Les uns, parmi vous, apercevront des trapèzes, des barres fixes, des cordes lisses tout l’attirail de notre gymnastique moderne. Les autres évoqueront dans l’azur ensoleillé de beaux portiques marmoréens, des colonnades, des eaux jaillissantes et le philosophe en vogue haranguant les jeunes hommes entre deux passes de luttes. Chassez ces visions.

Athènes et les grandes villes qui s’inspirèrent d’elles, ne furent pas seules à posséder des gymnases. Les bourgades en eurent aussi, mais sans portiques marmoréens ni philosophe en vogue. Ces gymnases modestes n’en furent pas moins des centres de vie sociale, des foyers d’action collective parce qu’un quadruple culte, une quadruple aspiration les maintinrent vibrants et fécondèrent leur influence : l’art, l’hygiène, le sport, l’instruction.

L’art, l’hygiène, le sport, l’instruction : rapprochement lumineux, assises profondes de l’hellénisme et, derrière l’hellénisme, de toutes les civilisations complètes. Qu’y a-t-il là qui soit étranger à nos conditions actuelles d’existence, à nos besoins présents ? Et pourquoi, dans des conditions conformes aux facilités et aux difficultés modernes, ne tenterions-nous pas la réapplication de principes si aptes au progrès ?

Seulement, ne perdons jamais de vue ceci ; il va s’agir de collectivités déjà obérées, de municipalités justement soucieuses des deniers publics et pour lesquelles ces grands mots sembleront in-