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Ceci tuera cela !



On n’aura raison du cabaret qu’en le remplaçant, qu’en suscitant en face de lui un établissement plus puissant que lui.

Pourquoi ?… Parce que le cabaret répond à un besoin. Mon Dieu ! avouons-le donc, et si c’est là un blasphème par rapport aux « convenances », eh bien ! blasphémons les convenances. Mais ne supprimons plus dans nos raisonnements et nos tâtonnements, l’élément essentiel et fondamental du problème ce qui équivaudrait à le rendre insoluble.

De façon générale, l’homme ne va chercher au cabaret ni l’ivresse ni la distraction. Il y va, d’instinct, inconsciemment chercher le « dételage ».

Dételer est une nécessité physique pour tout travailleur. Tout effort puise dans le dételage la possibilité de son renouvellement.

Le dételage humain, pour être complet, exige trois choses : un changement de lieu, un changement d’attitude, un changement de préoccupation. On ne dételle pas efficacement dans l’endroit où l’on vient de travailler, ni en gardant la position et en continuant d’accomplir les gestes du travail. Les gens riches qui trouvent à leur « cercle », l’occasion d’un dételage des plus effectifs, précisément parce qu’il est absolu, devraient savoir cela. À la réflexion, ils se sentiraient moins sévères pour le prolétaire qui fréquente le cabaret… d’autant que certains d’entre eux s’adonnent au jeu et en subissent l’envoûtement tout comme l’autre subit l’envoûtement de l’alcool auquel il s’est peu à peu laissé entraîner. Et les premiers ne sont pas toujours les plus excusables.

Mais il ne convient pas de s’attarder sur ces comparaisons épineuses. Aussi bien le nombre de ceux qui admettent la nécessité de remplacer le cabaret est sans doute assez grand déjà pour que l’on se contente de faire appel, à eux en négligeant pour le moment l’opinion des autres.

Le but de cet article n’est point la défense d’une thèse, mais la recherche d’un remède. Par quoi remplacer le cabaret ?

On a proposé le café de tempérance, le cercle ouvrier, l’université populaire, la « maison sociale » que sais-je ?… Les formules n’ont pas manqué et quelques-unes ont donné lieu à des tentatives intéressantes. Il serait injuste de dire que ces tentatives ont abouti à une faillite totale, mais pourtant on doit reconnaître qu’aucune n’a réussi. À y regarder de près, on constate que ces échecs successifs sont dus à une même cause : l’absence de liberté. Nulle

1917. — 1er-15 Mars 1917.
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