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des grands écrivains de cette époque ; ils écrivaient avec leur sang, avec leurs larmes ; ils trahissaient sans pitié, au profit d’un public vulgaire, les mystères de leur esprit et de leur cœur ; ils jouaient leur rôle au sérieux, comme ces comédiens antiques qui fâchaient la scène d’un sang véritable pour les plaisirs du peuple roi. Mais qui se serait attendu, dans ce siècle d’incrédulité où le clergé lui-même a si peu défendu ses croyances, à rencontrer un poëte que l’amour du merveilleux purement allégorique entraîne peu à peu au mysticisme le plus sincère et le plus ardent ?

Les livres traitant de la cabale et des sciences occultes inondaient alors les bibliothèques ; les plus bizarres spéculations du moyen âge ressuscitaient sous une forme spirituelle et légère, propre à concilier à ces idées rajeunies la faveur d’un public frivole, à demi impie, à demi crédule, comme celui des derniers âges de la Grèce et de Rome. L’abbé de Villars, Dom Pernetty, le marquis d’Argens, popularisaient les mystères de l’Œdipus Ægyptiacus et les savantes rêveries des néoplatoniciens de Florence. Pic de la Mirandole et Marsile Ficin renaissaient tout empreints de l’esprit musqué du dix-huitième siècle, dans le Comte de Gabalis, les Lettres