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ennemi redoutable pour moi. On ne portera jamais mon frère à la vengeance aveugle, à l’injustice, à des actions indignes d’un homme de tête et de courage, d’un gentilhomme enfin[1]. » Le silence succède à cette conversation assez vive ; il eût pu devenir embarrassant pour l’un et l’autre : mais après quelques instants, Biondetta s’assoupit peu à peu, et s’endort.

Pouvais-je ne pas la regarder ? Pouvais-je la considérer sans émotion ? Sur ce visage brillant de tous les trésors, de la pompe enfin de la jeunesse, le sommeil ajoutait aux grâces naturelles du repos cette fraîcheur délicieuse, animée, qui rend tous les traits harmonieux ; un nouvel enchantement s’empare de moi : il écarte mes défiances ; mes inquiétudes sont suspendues, ou s’il m’en reste une assez vive, c’est que la tête de l’objet dont je suis épris, ballottée par les cahots de la voiture, n’éprouve quelque incommodité par la brusquerie ou la rudesse des frottements. Je ne suis plus occupé qu’à la soutenir, à la garantir. Mais nous en éprouvons un si vif, qu’il me devient impossible de le parer ; Biondetta jette un cri, et nous sommes renversés.

  1. Voir la note à la fin du volume.