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nous en défend les approches. Voyez les vapeurs dont il se charge. »

Je regardai le ciel, et jamais il ne m’avait paru plus menaçant. Je fis apercevoir à Biondetta que la grange où nous étions pouvait nous garantir de l’orage. « Nous garantira-t-elle aussi du tonnerre ? me dit-elle… — Et que vous fait le tonnerre, à vous, habituée à vivre dans les airs, qui l’avez vu tant de fois se former et devez si bien connaître son origine physique ? — Je ne craindrais pas, si je la connaissais moins : je me suis soumise par l’amour de vous aux causes physiques, et je les appréhende parce qu’elles tuent et qu’elles sont physiques. »

Nous étions sur deux tas de paille aux deux extrémités de la grange. Cependant l’orage, après s’être annoncé de loin, approche et mugit d’une manière épouvantable. Le ciel paraissait un brasier agité par les vents en mille sens contraires ; les coups de tonnerre, répétés par les antres des montagnes voisines, retentissaient horriblement autour de nous. Ils ne se succédaient pas, ils semblaient s’entre-heurter. Le vent, la grêle, la pluie, se disputaient entre eux à qui ajouterait le plus à l’horreur de l’effroyable tableau dont nos sens étaient affligés. Il part un éclair qui semble embraser notre asile ; un