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sique ne serait pas de l’espèce de la première. Je reconnus l’air d’une barcarolle fort en vogue alors à Venise. Elle le répéta deux fois ; puis, d’une voix plus distincte et plus assurée, elle chanta les paroles suivantes :


Hélas ! quelle est ma chimère
Fille du ciel et des airs,
Pour Alvare et pour la terre
J’abandonne l’univers ;
Sans éclat et sans puissance,
Je m’abaisse jusqu’aux fers ;
Et quelle est ma récompense ?
On me dédaigne et je sers.

Coursier, la main qui vous mène
S’empresse à vous caresser ;
On vous captive, on vous gêne,
Mais on craint de vous blesser.
Des efforts qu’on vous fait faire
Sur vous l’honneur rejaillit,
Et le frein qui vous modère
Jamais ne vous avilit.

Alvare, une autre t’engage,
Et m’éloigne de ton cœur :
Dis-moi par quel avantage
Elle a vaincu ta froideur ?
On pense qu’elle est sincère,
On s’en rapporte à sa foi ;