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tenta de me dire que j’étais trop exact, et qu’elle eût désiré jouir plus longtemps du plaisir de m’avoir obligé.

« Mais je vous dois encore, lui dis-je, car vous avez les postes. » Elle en avait l’état sur la table. Je l’acquittai. Je sortais avec un sang-froid apparent ; elle me demanda mes ordres, je n’en eus pas à lui donner, et elle se remit tranquillement à son ouvrage ; elle me tournait le dos. Je l’observai quelque temps ; elle semblait très-occupée, et apportait à son travail autant d’adresse que d’activité.

Je revins rêver dans ma chambre. « Voilà, disais-je, le pair de ce Caldéron qui allumait la pipe de Soberano, et quoiqu’il ait l’air très-distingué, il n’est pas de meilleure maison. S’il ne se rend ni exigeant ni incommode, s’il n’a pas de prétentions, pourquoi ne le garderais-je pas ? Il m’assure, d’ailleurs, que pour le renvoyer il ne faut qu’un acte de ma volonté. Pourquoi me presser de vouloir tout à l’heure ce que je puis vouloir à tous les instants du jour ? » On interrompit mes réflexions en m’annonçant que j’étais servi.

Je me mis à table. Biondetta, en grande livrée, était derrière mon siège, attentive à prévenir mes besoins. Je n’avais pas besoin de me retourner pour