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sances que l’on vient d’avoir pour vous dans une soirée. Je ne parle pas de la plus céleste vision qu’il soit possible d’avoir, tandis que l’on afflige nos yeux plus souvent que l’on ne songe à les réjouir ; enfin, vous savez vos affaires ; vous êtes jeune ; à votre âge on désire trop pour se laisser le temps de réfléchir, et on précipite ses jouissances. »

Bernadillo, c’était le nom de cet homme, s’écoutait en parlant, et me donnait le temps de penser à ma réponse.

« J’ignore, lui répliquai-je, par où j’ai pu m’attirer des faveurs distinguées ; j’augure qu’elles seront très-courtes, et ma consolation sera de les avoir toutes partagées avec de bons amis. » On vit que je me tenais sur la réserve, et la conversation tomba.

Cependant le silence amena la réflexion : je me rappelai ce que j’avais fait et vu ; je comparai les discours de Soberano et de Bernadillo ; et conclus que je venais de sortir du plus mauvais pas dans lequel une curiosité vaine et la témérité eussent jamais engagé un homme de ma sorte. Je ne manquais pas d’instruction ; j’avais été élevé jusqu’à treize ans sous les yeux de don Bernardo Maravillas, mon père, gentilhomme sans reproche, et par doña Mencia, ma mère, la femme la plus religieuse, la