Page:Caylus - Souvenirs et correspondance.djvu/90

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Pourquoi non ? disoient ses parens et ses amis même-les plus vertueux ; madame de Montespan, par sa naissance et par sa charge, doit y être ; elle peut y vivre aussi chrétiennement qu’ailleurs. » M. l’évêque de Meaux fut de cet avis[1]. Il restoit cependant une difficulté : « Madame de Montespan, ajoutoit-on, paroitra-t-elle devant le Roi sans préparation ? Il faudroit qu’ils se vissent avant que de se rencontrer en public, pour éviter les inconvéniens de la surprise. » Sur ce principe, il fut conclu que le Roi viendroit chez madame de Montespan ; mais pour ne pas donner à la médisance le moindre sujet de mordre, on convint que des dames respectables et les plus graves de la cour seroient présentes à cette entrevue, et que le Roi ne verroit madame de Montespan qu’en leur compagnie. Le Roi vint donc chez madame de Montespan, comme il avoit été décidé ; mais, insensiblement, il la tira dans une fenêtre ; ils se parlèrent bas assez longtemps, pleurèrent, et se dirent ce qu’on a accoutumé de dire en pareil cas ; ils firent ensuite une profonde révérence à ces vénérables matrones, passèrent dans une autre chambre ; et il en avint madame la duchesse d’Orléans, et ensuite M. le comte de Toulouse.

Je ne puis me refuser de dire ici une pensée qui me vient dans l’esprit. Il me semble qu’on voit encore dans le caractère, dans la physionomie et dans

  1. « Il ignoroit donc ainsi que les autres que la fuite est le seul remède en pareil cas ? » Phrase ajoutée par M. de Monmerqué d’après le manuscrit de mademoiselle d’Aumale.