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plus goûter le plaisir de voir à tous les instans humilier sa rivale, que la délicatesse de sa passion ne la portoit à la crainte de ses charmes[1]. Quoi qu’il en soit, c’est un fait certain. Mais un jour, fâchée contre le roi pour quelque autre sujet (ce qui lui arrivoit souvent), elle se plaignit de cette communauté avec une amertume qu’elle ne sentoit pas : elle y trouvoit, disoit-elle, peu de délicatesse de la part du roi. Ce prince, pour l’apaiser, répondit avec beaucoup de douceur et de tendresse, et finit par lui dire que cet établissement s’étoit fait insensiblement. Insensiblement pour vous, reprit madame de Montespan, mais très sensiblement pour moi[2].

Le personnage singulier de madame de La Vallière pendant plus de deux ans mérite de n’être pas oublié. Tout le monde l’a su, tout le monde en a parlé ; mais, comme il pourroit être du nombre de

  1. « La Montespan était plus blanche que La Vallière ; elle avait une belle bouche, de belles dents, mais elle avait l’air effronté on voyait sur sa figure qu’elle avait quelque projet en vue. Elle avait de beaux cheveux blonds, de belles mains, de beaux bras, ce que La Vallière n’avait pas, mais celle-ci était fort propre et la Montespan une sale personne. » (Princesse Palatine, Lettre du 14 avril 1719.)

    On trouve dans les Émaux de Petitot le portrait des deux favorites.

  2. Les chansonniers répétaient sur tous les tons :

    L’on dit que La Vallière
    S’en va sur son déclin ;
    Ce n’est que par manière
    Que le roi va son train ;
    Montespan prend sa place,
    Il faut que tout y passe,
    Ainsi de main en main.