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précédé madame de Montespan ; et ce n’est pas l’histoire de chaque maîtresse que je prétends faire. Je veux seulement écrire les faits qui me sont demeurés plus particulièrement dans l’esprit, soit que j’en aie été témoin, ou que je les aie entendu raconter par madame de Maintenon.

Le roi prit donc de l’amour pour madame de Montespan dans le temps qu’il vivoit avec madame de La Vallière[1], en maîtresse déclarée ; et madame de Montespan, en maîtresse peu délicate, vivoit avec elle : même table, et presque même maison. Elle aima mieux d’abord qu’il en usât ainsi, soit qu’elle espérât par là abuser le public et son mari, soit qu’elle ne s’en souciât pas, ou que son orgueil lui fît

  1. Une chanson satirique du temps, qui a pour titre : L’Attelage du Soleil, fait plaisamment allusion à cet état de choses nous en transcrivons seulement ce qui concerne madame de La Vallière et madame de Montespan.

    L’attelage d’aujourd’hui,
    Qui mène ce dieu qui luit,
    Mais n’est pas mené par lui,
    Est de quatre vieux chevaux
    Précédés de deux cavales ;
    De deux cavales royales
    Et de quatre vieux chevaux
    Bien meilleurs qu’ils ne sont beaux.
    .....
    Les juments sont de bon train
    Et connaissent le terrain,
    Fouquet, Rohan, dans tout chemin,
    Les menaient à Saint-Germain ;
    L’une boite et marche en cane,
    L’autre est forte et rubicane ;
    L’une est maigre au dernier point,
    L’autre crève d’embonpoint.

    (Recueil Maurepas.)