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J’arrivai à Saint-Germain au mois de janvier 1681. La reine vivoit, monseigneur le Dauphin étoit marié depuis un an, et madame de Maintenon, dans une faveur déclarée, paroissoit aussi bien avec la reine qu’avec le roi. Cette princesse attribuoit à la nouvelle favorite les bons procédés que roi avoit pour elle depuis quelque temps, et elle la regardoit avec raison sur un pied bien différent des autres.

Mais, avant de parler des choses que j’ai vues, il est bon de raconter celles que j’ai entendu dire.

J’ai pu voir madame de Fontanges[1] ; mais, ou je ne l’ai pas vue, ou il ne m’en souvient pas. Je me souviens seulement d’avoir vu pendant quelque temps, à Saint-Germain, le Roi passer du château vieux au neuf pour l’aller voir tous les soirs : on disoit qu’elle étoit malade ; et en effet elle partit quelques mois après pour aller mourir à Port-Royal de Paris[2]. Il courut beaucoup de bruits sur cette mort, au désavantage de madame de Montespan mais je suis con-

  1. Marie-Angélique Scoraille de Roussille, (née en 1661, morte en 1681), avait inspiré par son éclatante beauté une vive passion à Louis XIV. Son portrait se trouve parmi les Émaux de Petitot conservés au Musée du Louvre.

    « La Fontange, écrit dans ses Lettres la princesse Palatine, était une bonne personne ; je la connaissais bien ; elle a été une de mes filles d’honneur ; elle était belle des pieds jusqu’à la tête, mais elle avait peu de jugement. » (La princesse Palatine, Élisabeth Charlotte de Bavière, seconde femme de Monsieur et mère du Régent a laissé une volumineuse correspondance qui nous offre un tableau peu flatté de la cour du grand roi. M. G. Brunet, a publié deux volumes de ses Lettres ; nous aurons l’occasion d’y faire de nombreux emprunts.)

  2. Il y avait au dix-septième siècle deux Port-Royal : le Port-Royal de Paris, situé à l’extrémité du faubourg Saint-Jacques, et