singularité du fait, et le courage que cet enfant avoit témoigné, le firent nommer enseigne après le combat.
La campagne finie, mon père vint à la cour et y amena mon frère. L’action qu’il avoit vue, et une jolie figure qu’il avoit en ce temps-là, lui attirèrent l’attention et les caresses de madame de Montespan et de toute la cour. Si mon père avoit voulu l’y laisser et se faire catholique, ils s’en seraient l’un et l’autre mieux trouvés pour leur fortune ; mais mon père résista à toutes les offres qui lui furent faites, et s’en retourna chez lui. Ainsi madame de Maintenon se trouva forcée, pour avoir la liberté de disposer de mon frère, de faire faire à mon père cette campagne dont je viens de parler, et de faire servir son fils avec M. de Châteaurenaud, lui laissant seulement le cadet, qui n’étoit pas entré moins jeune dans la marine.
À peine mon père fut-il embarqué qu’une de ses sœurs, que ma mère avoit été voir à Niort, la pria de me laisser chez elle jusqu’au lendemain. Ma mère y consentit avec peine ; car, quoiqu’elle fût catholique, elle n’étoit nullement dans la confidence des desseins qu’on avoit sur moi, parce qu’on la vouloit ménager par rapport à mon père. À peine ma mère fut-elle partie de Niort que ma tante, accoutumée à changer de religion[1], et qui venoit de se convertir
- ↑ Cette tante de madame de Caylus accoutumée à changer de religion était madame de Fontmort. M. de Villette lui sut très mauvais gré du rôle qu’elle avait joué dans la conversion de sa fille, puisque madame de Maintenon lui écrivait à ce