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de l’emmener, et le lui fit proposer. Cette occasion paroissoit favorable pour l’état de sa fortune ; mais il étoit triste de quitter son pays et de renoncer à une vie pleine d’agrément. Elle fut quelque temps en balance, et bien affligée pendant la durée du combat que les raisons pour et contre excitaient en elle ; mais enfin son étoile l’emporta, elle refusa les offres de cette reine.

Je me souviens d’avoir ouï raconter encore que madame la princesse des Ursins[1], alors madame de Chalais, faisoit de fréquentes visites à l’hôtel d’Albret. Je lui ai entendu dire depuis à elle-même, parlant à madame de Maintenon, qu’elle souffroit impatiemment que le maréchal d’Albret et les autres seigneurs importants eussent toujours des secrets à lui dire, pendant qu’on la laissoit avec la jeunesse, comme si elle eût été incapable de parler sérieusement. Madame de Maintenon avouoit avec la même sincérité qu’elle ne s’ennuyoit pas moins de ces confidences que madame des Ursins envioit, et qu’elle auroit souvent

  1. Anne-Marie de La Trémoille, fille aînée de Louis de La Trémoille, duc de Noirmoutier (née vers 1641, morte le 5 décembre 1722) avait épousé en premières noces Blaise de Talleyrand, prince de Chalais. Devenue veuve de bonne heure, elle se remaria, à Rome avec Flavio Orsini, duc de Bracciano. À la mort de son second mari, elle prit le titre de princesse des Ursins, et, se mêlant aux intrigues politiques, elle contribua au mariage de Philippe V avec Marie-Louise de Savoie (1701), ce qui lui donna sur les deux époux une influence toute-puissante, mais elle fut disgraciée en 1714, lors du mariage de Philippe V avec Elisabeth Farnèse. On a de la princesse des Ursins un grand nombre de lettres adressées au maréchal de Villeroy et à madame de Maintenon. M. F. Combes a écrit sa biographie.