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La maréchale d’Albret la prit en si grande amitié qu’elle fit son possible pour l’engager à venir demeurer chez elle, ce qu’elle refusa ; mais elle y alloit souvent dîner, et on l’y retenoit quelquefois à coucher.

Madame Scarron s’attirait cette amitié par une grande complaisance et par une attention continuelle à lui plaire, à laquelle la maréchale étoit peu accoutumée et j’ai ouï dire que quand elles alloient à quelque spectacle, cette pauvre femme, qui n’entendoit rien aux choses qu’on représentoit, vouloit toujours avoir auprès d’elle madame Scarron pour qu’elle lui expliquât ce qu’elle voyoit elle-même devant ses yeux, et la détournoit ainsi de l’attention qu’elle auroit voulu donner aux pièces les plus intéressantes et les plus nouvelles.

C’est cette même maréchale d’Albret, qui fut accusée, malgré sa dévotion et son mérite, d’aimer un peu trop le vin[1], ce qui paroissoit d’autant plus extraordinaire en ce temps-là[2] que les femmes n’en

  1. Madeleine Guénegaud, femme du maréchal d’Albret, avait une réputation d’ivrognerie bien établie ; nous en trouvons la preuve dans une chanson de Coulanges :

    Une maréchale
    De très grand renom,
    Dit avec dévotion
    Montons dans la salle,
    Le vin y est bon !

    (Recueil Maurepas, t.  IV.)

    À côté de ce couplet le mss. porte en note le nom de la maréchale avec cette mention : Elle aimoit fort le vin et buvoit comme un trou.

  2. Vers la fin du siècle l’ivrognerie fut un défaut commun à