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Cette conduite, et la juste admiration qu’elle causa, parvinrent jusqu’à la Reine. Le baron de La Garde lui en parla le premier, et fut cause qu’à la mort de M. Scarron[1] cette princesse, touchée de la vertu et


    let chose que nous ne pouvons admettre elle était trop habile et trop prudente pour l’écrire verba volant, scripta manent.

  1. Scarron mourut le 14 octobre 1660, après huit ans de mariage : madame Scarron avait alors vingt-quatre ans. Le facétieux Loret enregistre ainsi dans sa Gazette (16 octobre 1660) le décès du poète :

    Scarron, cet esprit enjoüé,
    Dont je fus quelquefois loüé,
    Scarron fondateur du burlesque
    Et qui dans ce jargon crotesque
    Passoit depuis plus de seize ans,
    Les écrivants les plus plaizans,
    À vu moissonner sa personne
    Par cette faux qui tout moissonne.
    Lui qui ne vivoit que de vers,
    Est maintenant mangé des vers ;
    Pluzieurs imprimeurs et libraires
    Firent avec lui leurs afaires ;
    Il eut en vivant le malheur
    D’être estimé malin railleur.
    Il étoit de bonne famille,
    Il ne laissa ny fils, ny fille,
    Mais bien une aimable moitié,
    Digne tout à fait d’amitié,
    Étant jeune, charmante et belle,
    Et mesmes fort spirituelle.
    J’allois peu chez ce rare auteur,
    (Je ne suis pas grand visiteur)
    Dizant pourtant, ce qui m’en semble,
    C’étoient deux beaux esprits ensemble ;
    Mais pour la grâce et les apas
    Le reste ne ressembloit pas,
    L’épouze avait grand avantage,
    Et je croy que leur mariage
    S’entretenoit par les acords
    Bien mieux de l’esprit que du corps.


    Le bonhomme Loret était loin de prévoir la grandeur future de cette aimable moitié.