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LETTRE LXXVIII.


À MADEMOISELLE D’AUMALE.
1715.

La seule consolation, mademoiselle, à laquelle je sois aujourd’hui sensible, et que j’ai reçue depuis notre cruelle séparation, me vint hier par le mot que vous mîtes au bas de votre mémoire, et par la lettre de madame de Glapion. Qu’il faut être malheureuse pour être consolée ainsi ! Le sujet de commission est affreux ; il me le paroît encore plus aujourd’hui que dans le premier moment ; j’ai senti pourtant quelque plaisir de faire encore quelque chose pour ma tante. Je n’ose lui écrire ; quand me permettra-t-elle de la voir, de l’entretenir, de pleurer avec elle ! Je ne chercherai point à dissiper sa trop juste douleur par des nouvelles du monde ; je n’en entends point qui ne me percent le cœur ; et je l’aime trop pour ne pas ménager sa sensibilité. J’en entendrai moins au Luxembourg où je compte aller ce soir : je quitte pourtant la personne de madame de Dangeau avec beaucoup de regret. Dubois vous dira combien il est surprenant que ma santé se soutienne : tout ce que j’en veux, c’est qu’elle me permette d’aller à Saint-Cyr, dès que ma tante y consentira. Si vous entrevoyez, mademoiselle, un moment favorable pour le proposer, levez bien, je vous en conjure, toutes les difficultés : je ne mènerai point de femmes avec moi ; je ne suis ni difficile, ni incommode en rien ; je partirai au premier attendrissement. Je vous remets mes intérêts les plus chers et mes désirs les plus vifs entre les mains. Que j’aille voir de mes propres yeux ce miracle de sainteté et de courage ! Quel coup ! quelle chute ! et quelle fermeté.