Page:Caylus - Souvenirs et correspondance.djvu/133

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le Roi avoit eu la même pensée, et ce fut son premier mouvement lorsqu’il apprit la mort de madame de Richelieu[1] ; mais madame de Maintenon refusa constamment un honneur que sa modestie lui faisoit regarder comme au-dessus d’elle. C’est sans doute ce qu’elle veut dire dans une de ses lettres à M. d’Aubigné, que j’ai lue, et qui est encore à Saint-Cyr ; et comme je suis persuadée qu’on ne pourroit jamais la faire si bien parler qu’elle parle elle-même, je vais copier l’article de cette lettre, qui répond au sujet dont je parle.

« Je ne pourrois vous faire connétable quand je le voudrois, et, quand je le pourrois, je ne le voudrois pas. Je suis incapable de vouloir demander rien que de raisonnable à celui à qui je dois tout, et que je n’ai pas voulu qu’il fit pour moi-même une chose au-dessus de moi. Ce sont des sentimens dont vous pâtissez peut-être ; mais peut-être aussi que, si je n’avois pas le fonds d’honneur qui les inspire, je ne serois pas où je suis. Quoi qu’il en soit, vous êtes heureux si vous êtes sage. »

Ce refus fit beaucoup de bruit à la cour : on y trouva plus de gloire que de modestie, et j’avoue que mon enfance ne m’empêcha pas d’en porter le même jugement. Je me souviens que madame de Maintenon me fit venir, à son ordinaire, pour voir ce que je

  1. « L’offre faite à madame de Maintenon de la place de dame d’honneur ne fut pas sérieuse c’était un moyen de tromper la cour sur le projet de mariage secret entre cette dame et le roi. » (Théop. Lavallée, note sur les Mémoires de Languet de Gergy.)