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le seul homme qui eût osé lui parler d’amour[1] ; mais, comme cet événement est écrit partout, je ne m’y suis arrêtée que par sa singularité.

Mademoiselle, foible et sujette à des mouvemens violents qu’elle soutenoit mal, ne cacha pas sa douleur. Après la rupture de son mariage elle se mit au lit, et reçut des visites comme une veuve désolée, et j’ai ouï dire à madame de Maintenon qu’elle s’écrioit dans son désespoir : Il seroit là ! Il seroit là !, c’est-à-dire, il seroit dans mon lit ; car elle montroit la place vide.

On a prétendu mal à propos que M. de Lauzun avoit été bien avec madame de Montespan avant qu’elle fût maîtresse du Roi[2]. Rien n’est plus faux,

  1. Il est, au contraire, évident, d’après les Mémoires de Mademoiselle, que ce fut elle qui parla la première d’amour à Lauzun. (Voir ces Mémoires, éd. Chéruel, chap. xiii, tome IV. — On trouvera dans le même volume, p. 562, un intéressant appendice sur Mademoiselle et Lauzun, dans lequel M. Chéruel, a transcrit un roman du temps fort curieux et une lettre de Lous XIV relatifs à cette intrigue.)
  2. C’était du moins un bruit assez répandu. Dans les recueils mss. du temps nous trouvons à ce sujet une épigramme significative que l’on attribuait à Lauzun lui-même, et dans laquelle le cadet de Gascogne disait à Louis XIV :

    Votre majesté, Sire,
    M’a fait un vilain tour ;
    Mais je n’en fais que rire,
    Car je n’ai plus d’amour.
    Je vous laisse ma maîtresse
    Mon Dieu que j’en étais las !
    Faites en tous vos choux gras ;
    Moi je n’en fais plus de cas :
    Elle est vieille et sans appas.


    Bien que l’on retrouve dans ces vers la fatuité gasconne qui était le trait distinctif du caractère de Lauzun, il est fort probable qu’il n’en était pas l’auteur.