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on conviendra qu’elle n’est pas d’une femme commune, ni d’une maîtresse ordinaire.

Cependant madame de Montespan s’aperçut que le Roi lui échappoit lorsque le mal étoit sans remède. Elle chercha à s’appuyer de M. de La Rochefoucault, regardé comme une espèce de favori. Elle mit M. de Louvois dans ses intérêts, et voulut enfin regagner par l’intrigue ce qu’elle avoit perdu par son humeur, et par l’opinion où elle avoit toujours été que celui dont l’esprit est supérieur doit gouverner celui qui en a moins. Mais à quoi sert cette prétendue supériorité, quand les passions nous aveuglent et nous font prendre les plus mauvais partis ?

Le Roi ne savoit peut-être pas si bien discourir qu’elle, quoiqu’il parlât parfaitement bien. Il pensoit


    que madame de Montespan desservit auprès du roi, pour lui substituer Racine et Boileau en 1677. Les travaux de Pellisson ont été publiés par l’abbé Lemascrier (1749, 3 vol.  in-12), sous le titre d’Histoire de Louis XIV. Le dixième livre de cet ouvrage est l’œuvre de Racine ; c’est tout ce qui nous reste aujourd’hui de son travail, dans lequel Boileau n’eut qu’une faible part. Le manuscrit inachevé de l’Histoire de Louis XIV, rédigée par lui, périt dans l’incendie qui consuma, à Saint-Cloud, la maison de campagne de Valincour, désigné par madame de Maintenon comme successeur des deux poètes en 1699. Au plus fort de l’incendie, Valincour offrit une somme d’argent élevée à celui qui lui sauverait du feu ce précieux manuscrit ; un homme du peuple, qui s’était courageusement élancé, rapporta par erreur un recueil de gazettes. — Il existe aux Archives nationales (K, 119) un « ordre du roy à Gédéon Barbier, sieur de Metz, conseiller du roy et garde du trésor royal » de payer comptant à Nicolas Boileau Despréaux et à J. Racine la somme de douze mille livres, comme émolumens de leur charge. Cet ordre, daté de Fontainebleau, 11 sept. 1677, montre que le roi payait par anticipation les deux poètes pour une fonction qu’ils remplirent fort imparfaitement.