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demandoit ; mais enfin madame sa femme n’a pas été heureuse, et madame de Montespan ne l’a pas assez soutenue dans ses peines domestiques.

Je reviens au caractère de la tante, dont la dureté a paru dans des occasions où il est rare d’en montrer, et plus singulier encore d’en tirer vanité. Un jour que le carrosse de madame de Montespan passa sur le corps d’un pauvre homme, sur le pont de Saint-Germain, madame de Montausier, madame de Richelieu, madame de Maintenon, et quelques autres qui étoient avec elle, en furent effrayées et saisies comme on l’est d’ordinaire en pareille occasion ; la seule madame de Montespan ne s’en émut pas, et elle reprocha même à ces dames leur foiblesse. Si c’étoit, leur disoit-elle, un effet de la bonté de votre cœur, et une véritable compassion, vous auriez le même sentiment en apprenant que cette aventure est arrivée loin comme près de vous.

Elle joignoit à cette dureté de cœur une raillerie continuelle, et elle portoit des coups dangereux à ceux qui passoient sous ses fenêtres, pendant qu’elle étoit avec le Roi. L’un étoit, disoit-elle, si ridicule, que ses meilleurs amis pouvoient s’en moquer sans manquer à la morale ; l’autre, qu’on disoit être honnête homme : « Oui, reprenoit-elle, il faut lui savoir gré de ce qu’il le veut être ; » un troisième ressembloit au valet de carreau ; ce qui donna même à ce dernier un si grand ridicule, qu’il lui a fallu depuis tout le manège d’un Manceau pour faire la fortune qu’il a faite ; car elle ne s’en tenoit pas à la