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ce mariage, lorsque madame de Caylus participa aux représentations d’Esther données à Saint-Cyr qui devaient rester un épisode mémorable dans l’histoire du théâtre français. En assistant aux lectures de la pièce que Racine venait faire chez madame de Maintenon, elle retenait la plupart des vers ; un jour elle en récita au poète qui, charmé de sa diction, pria instamment madame de Maintenon de lui ordonner de faire un personnage. Quelque flattée qu’elle pût être de cette attention, madame de Caylus ne voulut accepter aucun des rôles déjà destinés, et Racine composa pour elle le prologue de la Piété. D’ailleurs comme elle avait appris les divers rôles de la pièce à force de les entendre répéter, elle eut l’occasion de les jouer successivement à mesure qu’une des jeunes élèves de Saint-Cyr se trouvait incommodée, et elle déploya sur la scène une grâce si touchante qu’elle parut supérieure à la plus célèbre actrice du temps, la Champmeslé. L’impression qu’elle fit sur les spectateurs lui valut des témoignages unanimes d’admiration. Saint-Simon, peu flatteur de son naturel, ne trouve pas assez d’éloges pour elle « Jamais, dit-il, un visage si spirituel, si touchant, si parlant, jamais une fraicheur pareille, jamais tant de grâces, ni plus d’esprit, jamais tant de gaieté et d’amusement, jamais de créature plus séduisante. »

L’abbé de Choisy n’est pas moins enthousiaste ; « Les jeux et les ris brillaient à l’envi autour