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DE DRESSER LES CHEVAUX.

des écoliers ? Et peut être que le cheval ne ſera pas dreſſé, que ſi le Maître étoit deſſus, il ne feroit pas beaucoup mieux. C’eſt pourquoy le Maître doit, pour l’honneur de ſa profeſſion, étre (en Cavalier) honneſte & civil, avec gravité & modeſtie : neantmoins avec authorité, & dire à ſon écolier ce qu’il doit faire, devant qu’il remuë ſon cheval ; après qu’il l’a aſſés manié, luy commander de l’arreſter & luy dire en particulier les fautes qu’il aura commiſes, ſans les luy reprocher tout haut devant la compagnie ; après cela le faire éprouver derechef, en luy repetant ſouvent ce qu’on luy aura dit ; car un écolier ne ſauroit étre Maître dès le premier jour, non plus qu’un poulain ne ſauroit étre un cheval dreſſé. Enſeignés donc premierement à vôtre écolier ce qu’il doit faire, le luy répétant ſouvent avec beaucoup de patience, ou il n’apprendra jamais. Quant à la chambrière, elle aide ſouvent beaucoup, mais je voudrois qu’on la laiſsât auſſy tôt qu’il eſt poſſible ; vrayement ſon trop grand uſage fait qu’un cheval ne ſauroit aller ſans elle ; outre que c’eſt une choſe de mauvaiſe grâce de voir deux hommes après un cheval lors qu’on le monte, & qu’un Ecuyer, comme charretier, ait toujours la peine de faire aller ſon cheval. Je voudrois donc qu’on ne s’en ſerviſt qu’a l’extrémité, & jamais autrement. Car c’eſt une choſe qui n’a guere de grace, & qui eſt contraire à tout uſage, qu’un homme ne puiſſe monter un cheval ſans qu’un autre l’aide avec un foüet, outre que c’eſt une choſe odieuſe, excepté que ce ſoit dans quelque charrette pour aller terre à terre ; mais alors un charretier ſera aſſés propre à cela. Lors qu’un homme eſt à la guerre, ou qu’il doit combatre à cheval, faut-il qu’un autre ſoüette ſon cheval ? certes cela ſeroit bien ſot & ridicule. Je dis donc, que je veux m’en ſervir, pourveu que ce ſoit à une neceſſité ; autrement je voudrois la banir du Manege ; d’autant qu’un cheval qui demande à étre toujours ſoüetté n’eſt pas propre pour le Manège. Si la main & les talons ne ſuffiſent, la faute provient du Cavalier, ou bien le cheval n’eſt pas propre pour le Manege ; alors condamnés & le cheval & le foüet à la charrette. Qui plus eſt, la chambrière eſt devenuë aujourd’huy une maladie ſi univerſelle dans le Manege de les Academies, que le Maître ne ſe croit pas Maître, s’il ne l’a toujours en main.