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CONTES ET SCÈNES DE LA VIE DE FAMILLE 79 C’est un don rare que celui de conserver intacts les mille tableaux qui, chacun à son jour, ont fixé notre légèreté et donné naissance à une réflexion féconde. C’est un don plus rare encore que d’en former une galerie, d’y introduire un étranger, de faire que les diverses scènes forçant son attention, lui enseignent à son tour ce qu’elles nous ont appris à nousmêmes. Avant tout, avant l’art déjà si compliqué de peindre les caractères, il faut aimer ceux à qui l’on parle, ceux mêmes que l’on peint ; tout en jugeant le côté faible, infirme de l’homme, saisir ce que la créature de Dieu recèle de grand ou de profond, et le mettre en lumière ; ne jamais dédaigner le sujet humain, puisqu’il s’agit d’apprendre aux enfants ce qu’ils ont à attendre de la vie commune ; avoir horreur du vice, mais la pitié du méchant, même du vicieux, jouir d’une indépendance sereine qui laisse à l’esprit toute sa clarté pour pratiquer la charité et la justice envers tous ; être plein de reconnaissance pour tous les grands et les petits bienfaits de la nature ; savoir enfin éveiller en même temps que l’intelligence, le cœur le plus obstiné au sommeil. Celui qui se sent ces instincts peut, comme dans la légende russe, mettre la main sur la poitrine de ceux à qui il parle, et leur dire : Venez avec moi !, , ils viendront. “Tout cela pour faire des contes ! oui, des contes’qui soient vrais, qui touchent, qui instruisent. Nous avons vu dans toutes les circonstances de la vie celle qui nous inspire aujourd’hui ces réflexions. Humble et simple, elle s’est montrée constamment la même : ignorant ses dons, admirant le talent, la beauté, le caractère des autres avec la sincérité la plus absolue, la plus désintéressée. Vraie, comme par un besoin de nature, elle écrivait comme elle parlait, comme elle sentait. Les hommes. les plus graves, se laissaient charmer par sa parole enjouée ou consolante. Personne n’aura ses yeux quand ils s’arrêtaient sur un être souffrant. Le plus grossier, le plus maltraité subissait le pouvoir de ce doux magnétisme, car elle trouvait d’abord le mot qui touche ou persuade. A défaut de paroles, son geste désarmait. Un jour, elle aperçoit une femme qui battait son propre enfant : “Ah ! madame, si sa mère vous