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116 PROSES NON RECUEILLIES fort pour mieux soumettre et cacher les battements de votre sein, pour défendre comme ami celui que vous ne pourriez suivre comme amante ; vous ne recouvrerez la voix que pour crier au secours du cher objet d’une passion éternelle, et, ferme dans votre sacrifice, vous soupirerez toute une vie le mot d’amour sans le prononcer, car vous n’oublierez jamais, dans votre pudique tristesse, que vous n’êtes point aimée. Et vous ensevelirez en vous ces mordantes amertumes qui font succomber les genoux ; vous tomberez pure aux pieds de Dieu ; et vous ne direz qu’à lui : “Mon âme brûle ma chair ; elle me fait un bûcher de mon corps. L’amour est pour moi comme un orage sans pluie. Mon Dieu ! je souffre beaucoup, car je ne suis point aimée, ,. Et vous entendrez Dieu vous répondre dans la voix volante de l’oiseau, dans tous les bruits graves et harmonieux de la terre, qui disent : “Souffrez, espérez „,. Et comme la vigne vierge, mourante avec un vif éclat, consumée du soleil, qui rougit et semble redevenir fleur en se desséchant, vous, Edith, l’une des plus chastes filles de votre père, Walter Scott, sœur modeste et jumelle de la loyale et sublime Rebecca, vous resterez le doux exemple de la vertu sans faste, sans reproche, sans faiblesse, qui aide à vivre ou à mourir en silence du malheur infini de n’être point aimée ! Mais quelle surprise charmante attend ceux qui vous pleurent et vous ont dit adieu ? Vous vous relevez, Edith, avec la foi au cœur et l’espoir dans les yeux ; vous voilà retrouvée, belle et haletante de courage, non plus muette, taciturne et penchée comme une fleur qu’un pied dédaigneux a foulée en courant ; vous parlez, Edith, et votre voix si longtemps enfermée, frappe l’air avec des paroles de joie ; vous répondez amour et pardon à quelqu’un qui vous prie à genoux ; vous reprenez avec une dignité rougissante l’anneau nuptial qui avait coulé de votre doigt tremblant ; merveilleux décret de la Providence, qui se plaît souvent à réunir deux cœurs séparés longtemps par l’inconstance de l’un d’eux, par l’entraînement du monde, par la force apparente de mille obstacles réunis. Un seul fil invisible, puissant, trempé de charme, ramène l’un vers l’autre ces deux cœurs qui n’avaient pu se confondre ; ce fil indestructible chez l’homme, c’est la foi du serment ; chez la femme, c’est l’impérissable amour qui n’a pas trahi la pudeur. Heureuse Edith votre cœur est resté trop pur pour ne pas redevenir confiant ; trop lavé de larmes salutaires pour ressentir les piqûres brûlantes de l’orgueil ; trop riche d’avenir pour être jaloux du passé. Sous l’abattement de vos