Page:Cavallucci - Bibliographie critique de Marceline Desbordes-Valmore, tome 2.pdf/120

Cette page n’a pas encore été corrigée

110 PROSES NON RECUEILLIES place à la vue sa montre avec sa chaîne et tous ses cachets, pour montrer qu’il connaît le prix du temps, et ne trouve en effet rien de mieux à faire, pour employer le sien, que de suivre impatiemment la marche des aiguilles sur le cadran, jusqu’à ce qu’elles se rencontrent au point qui marque midi l C’est alors, et. devant ce grave personnage qu’elle veut consulter pour les intérêts de ce qu’elle aime en ce moment le plus au monde, que la jeune et courageuse Lilias apparaît, confuse de trouver le fils au lieu du père, et ne pouvant entièrement cacher sous l’ample mante de soie verte. qui l’enveloppe, la rougeur et l’embarras charmant de sa méprise. L’usage du monde et l’éducation des villes n’apprendraient pas mieux, à cette jeune solitaire émancipée, ce que la pudeur lui fait trouver pour se soustraire à l’inconvenance de ce rendez-vous involontaire, et réprimer, avec le ton grave sans hauteur que sait prendre l’innocence, l’air de galanterie que croit devoir montrer le novice avocat dont elle emporte le cœur sous sa mante verte. Il est doux de retrouver dans cette beauté furtive la jolie diseuse de bénédicité qui porte assez d’intérêt au voyageur de la chaumière, pour lui envoyer des avis importans et l’argent nécessaire pour les suivre. Le courage de cette enfant rend sa beauté plus belle, et la prompte fermeté de ses démarches ne laisse pas douter un seul instant de la pureté profonde du sentiment qui l’anime. On la retrouve comme un rayon du soleil perçant les nuages, au milieu d’une salle où l’on danse, où cette jeune personne, d’une beauté peu commune, entre comme une femme d’un rang supérieur, honorant de sa présence les amusemens de ceux qui vivent sous sa dépendance. C’est là qu’avec une finesse remplie de dignité, cette belle mante verte s’isole avec Latimer, dans un menuet où elle lui donne, pour preuve de son affection, de graves conseils enveloppés dans l’accent le plus doux, qui le laissent autant sous la dépendance de sa raison que de ses charmes. Cette jeune sagesse dictant ses lois au milieu des figures d’une contredanse, comme un ange gardien au bal, offre encore une des plus fraîches compositions du grand maître dans l’art des contrastes. On l’entrevoit plus loin rappelant sa première mission de prière, mais silencieuse alors et le doigt sur les lèvres, toujours fuyante, toujours observée ; mystérieuse, simple, inexplicable et naturelle comme un enfant. 7 On s’étonne seulement que Latimer, perdu comme elle dans ce labyrinthe où il ne reçoit que d’elle des témoignages de protection véritable, ne lui