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LE NAIN DE BEAUVOISINE Pour ne me taire comme ingrate des grâces que j’ai reçues de Dieu, que je dois et veuls confesser toute ma vie pour lui en rendre grâce, j’advouerai n’avoir jamais été proche de quelques signalés accidents, sinistres ou heureux, que je n’en aye eu quelque advertissement, ou en songe, ou autrement, et puis bien dire ce vers : De mon bien ou món mal esprit m’est oracle… MARGUERITE DE VALOIS Une rue de Rouen Jamais je n’ai vu une telle chose. Je descendais, triste et paisible, la haute rue Beauvoisine, qui, par cela qu’elle est montagne, demeurera déserte dans une ville où les ruelles, les impasses et les moindres coins sont des comptoirs. Le peu de maisons marchandes hasardées d’espace en espace dans cette rue silencieuse, sont là, les bras croisés, comme des surnuméraires qui attendent, prêtes à se glisser dans le bazar tumultueux qu’elles regardent du haut de leurs fenêtres fraîches de fleurs et d’air pur, ce qui les aide à prendre leur demi-sommeil en patience. Là le pavé est sec, large et blanc ; c’est un tapis, presque un matelas, comparé aux pierres inégales, noires et rompues sous les voitures, et disgracieuses comme des dents sorties de leur alvéole. Là, on se met aux portes pour respirer et vivre. On cause avec les voisins qui ont aussi du loisir, et dont les croisées ont des rideaux ; ce qui, à cent pas plus bas, serait un luxe scandaleux ; car il tiendrait la place de l’étalage, des marchandises encombrées de façon à intercepter les rayons les plus hardis du jour.