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mon amitié. Tout cela me seroit autant de délices, et ceux qui auraient mon cœur par inclination le conserveraient avec gloire. Je suis naturellement un peu jalouse, délicate jusqu’à la sotise, et comme tout ce que je fais et tout ce que je dis a relation à ceux que j’aime, j’explique aussi tout ce qu’ils font, et si je me satisfais quelquefois, le plus souvent je me gêne beaucoup. Je n’ai jamais rien déguisé à ceux que j’aime ; je pousse même ma sincérité si loin que, s’ils avoient des défauts, je les leur dirois pour les en corriger, non pas en rude censeur, mais en créature touchée qui voudroit que ce qu’elle a jugé digne de son cœur fût acompli. Je m’abandonne avec ce que j’aime dans une entière liberté de pensée ; on ne m’a aussi jamais aimée qu’avec passion. J’ai de l’esprit dans le tête-à-tête ou avec peu de gens ; je me laisse voir tout entière, et, comme je bannis la contrainte, ma conversation est comme on la veut, profitable si l’on me met sur de bons sujets, et agréable si l’on est gay. Si ma personne est retenue et modeste, mon esprit est fort libertin ; et, quand je suis sans contrainte et que j’ai l’imagination échaufée, je dis volontiers ce qu’on veut et ce qui me parait propre à réjouir ce que j’aime, pourvu qu’il y ait de l’esprit ; l’esprit est une des choses que j’aime le mieux. Je trouve que tout le monde en a, mais il y en a peu qui me revienne. J’ai pris moi-même assez de soin du mien ; je l’ai vif, doux et pénétrant ; peu de choses m’échapent. J’ai tâché surtout à le rendre bon et droit : je puis dire que j’y ai réussi. J’ai pris soin de l’orner chez les Anciens et les Modernes, et j’ai pensé que, n’étant prescrit à l’homme qu’un si petit nombre d’années, il devoit par son industrie se faire de tous les tems. »