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de la pauvreté. Il y perd la maîtrise de soi-même, en se faisant l’esclave de l’or. Il en est insatiable, parce qu’il aime une chose qui est moins que lui et incapable par conséquent de le satisfaire. Car toutes les créatures ont été faites pour l’homme, pour le service de l’homme, non pour que celui-ci se fasse leur serviteur. L’homme ne doit servir que moi qui suis sa fin.

A combien de périls, à combien de privations, et sur mer et sur terre, ne s’expose pas l’homme pour amasser la grande fortune, et revenir ensuite dans sa cité, pour y vivre dans les plaisirs et les honneurs ! A-t-il quelque souci d’acquérir les vertus ? supporte-t-il la moindre peine pour leur possession ? Ce sont pourtant les richesses de l’âme. Son cœur, qui devrait être dévoué à me servir, est comme immergé dans cet amour des richesses, et sa conscience est écrasée sous le poids des gains illicites. Vois à quel abaissement il en est réduit, et la triste condition de son esclavage !

Si encore, sa fortune était stable ; mais rien de plus mobile. Riche aujourd’hui, demain pauvre ! Maintenant, sur le faîte, et tout à l’heure dans la poussière ! Le voici honoré et respecté du monde à cause de ses richesses ; et voilà que le monde le raille de les avoir perdues, il l’accable de ses sarcasmes, il lui fait honte de sa ruine, il est sans pitié pour sa chute ! Cet homme se faisait aimer et on l’aimait, uniquement pour ses richesses ! S’il s’était appliqué à mériter et à s’attirer l’affection et le respect, par de véritables vertus, l’estime et l’amour