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acquis par le sang du Verbe, mon Fils unique ; de là, ce marché où l’on met à l’encan la chair de son prochain ; de là, ce trafic du temps, où l’on vend ce qui n’est pas à soi, comme le font les usuriers ; de là, cette gourmandise provoquée par l’abondance des mets, cette avidité gloutonne qui mène à l’impureté. Sans les facilités que leur donne la fortune, en verrait-on si souvent qui vivent dans le dérèglement et dans la honte. Que d’homicides, que de haines, que de rancunes, que de cruautés à l’égard du prochain, que d’infidélités envers moi ! Ils s’attribuent à eux-mêmes tout le mérite d’avoir fondé leur fortune, sans reconnaître que les talents qu’ils y ont déployés, c’est de moi qu’ils les tiennent. Ce n’est pas à moi que va leur confiance ils n’en ont plus que dans leurs richesses.

Combien vaine pourtant cette espérance ! Et combien aveugles ceux qui ne s’aperçoivent pas de sa fragilité ! Ces richesses, il n’est pas rare qu’ils les perdent dès cette vie, par une dispensation spéciale de ma bonté, et pour leur bien ; tout au moins, est-il certain qu’ils les perdront à la mort. Ils en verront alors l’inconstance et le vide ! Elles tiennent l’âme en continuelle inquiétude, elles la tuent. Elles rendent l’homme cruel à lui-même, elles lui font perdre cette dignité de l’infini, pour le ramener au fini. Ce désir de la volonté qui doit l’unir à moi, qui suis le bien infini, l’homme le détourne de moi, pour l’abaisser à des choses finies et l’y attacher de tout son amour. Il y perd le goût de la vertu, il n’en perçoit plus la saveur, comme non plus le parfum