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en vous, dans leur besoin ? Il semble bien que dans ce cas-ci, vous les avez abandonnées dans leur nécessité, car, d’après la loi commune, l’homme ne peut soutenir son corps seulement avec des herbes. Il peut y avoir des exceptions pour les parfaits ; mais, si Agnès était dans l’état de perfection, ses compagnes ne l’étaient pas.

Je te répondrai que, dans cette circonstance, j’ai agi de la sorte pour accroître jusqu’à l’ivresse, dans l’âme d’Agnès, l’amour de ma providence. Quant à celles qui étaient encore imparfaites, je les préparais ainsi au miracle qui suivit, et qui devait commencer de les affermir dans la lumière de la très sainte foi. Je communique d’ailleurs aux herbes ou à toute autre substance, en pareil cas, une vertu spéciale, ou je dispose le corps humain de telle sorte qu’il s’accommode mieux de ces quelques herbes, ou même du jeûne absolu, qu’il ne faisait auparavant du pain et des autres aliments qui servent d’ordinaire à la nourriture de l’homme. Tu le sais bien, pour en avoir fait toi-même l’expérience.

Après ces trois jours de disette, où elles étaient restées sans pain, Agnès éleva vers moi le regard de son esprit, tout baigné de la lumière de la très sainte foi : " Mon père, me dit-elle, mon Seigneur et éternel époux, ne m’avez-vous ordonné de faire sortir ces vierges de la maison de leurs parents que pour les laisser mourir de faim ? Pourvoyez, Seigneur, à leurs besoins ! " C’était moi qui lui inspirais cette demande. je me plaisais ainsi à éprouver sa foi, et j’avais pour agréable son humble prière.