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douleur sans faiblir ! si elle le pouvait voir, il n’est pas de souffrance qu’elle ne recherchât avec empressement et qu’elle ne reçût avec allégresse. C’est pour procurer ce grand trésor à mes fils bien aimés, que je leur impose le fardeau de grandes souffrances, pour ne pas laisser se rouiller en eux la vertu de patience. S’ils ne la tenaient ainsi en continuelle activité, quand viendrait le temps de l’exercer, ils la trouveraient toute recouverte de cette rouille de l’impatience qui ronge l’âme.

Parfois, j’use avec eux d’un agréable stratagème pour les maintenir dans l’humilité. Je laisse s’endormir en eux toute leur puissance affective, au point que ni dans leur volonté ni dans leur sensibilité, ils n’éprouvent aucune impression contraire à la vertu, sinon comme le peuvent faire des personnes endormies ; je ne dis pas mortes, car dans l’âme parfaite la sensibilité peut sommeiller, ellene meurt pas et même, si l’âme se relâche de l’exercice ou de l’ardeur du saint désir, elle se réveillera plus violente que jamais. Que nul donc, si élevé qu’il soit en perfection, ne se croie assuré du côté des sens : tous ont besoin de demeurer dans une sainte crainte de moi-même. Nombreux sont ceux qui tombent misérablement et qui ne seraient pas tombés, s’ils avaient eu plus de défiance. Je dis donc que, chez ces parfaits, il semble parfois que leur faculté de sentir soit endormie. Parce qu’ils ont supporté de grandes épreuves sans en être émus, ils seront portés à croire qu’ils ne sont pas susceptibles d’être tout à coup troublés