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ne remarque pas, la pauvre âme, qu’elle ouvre ainsi la porte à tous les abus, que les excès dans la nourriture allument dans sa chair fragile de violents désirs où elle risque d’être consumée.

Les mains, à leur tour, prennent plaisir à dérober le bien d’autrui, et trouvent leur satisfaction a des actes bas et déshonnêtes, elles que j’ai faites pourtant, pour assister le prochain dans ses infirmités, et pour répandre l’aumône qui subvient à sa détresse ! Les pieds ont été donnés à l’homme pour porter le corps, pour le transporter d’un lieu à un autre, là où l’appelle sa propre utilité ou celle du prochain, pour la gloire et l’honneur de mon nom : et ils ne servent qu’à courir à des lieux de perdition, à toutes les occasions de péché, aux conversations légères et corruptrices, par lesquelles il entraîne au mal et les autres et lui-même, au gré de sa volonté désordonnée.

Tout cela je te l’ai dit, ma très chère fille, pour te donner sujet de pleurer sur la désolation où est réduite la noble cité de l’âme, et pour te faire voir quels maux innombrables font irruption par la porte principale de la volonté. Moi, cependant, je n’ai donné licence à aucun de ses ennemis d’en franchir le seuil, bien que, comme je l’ai dit, je leur laisse faculté d’attaquer les autres portes. Ainsi, je permets que l’intelligence soit occupée par les ténèbres d’esprit ; quelquefois c’est la mémoire, qui a comme perdu tout souvenir de moi ; en d’autres temps, c’est toute la sensibilité qui semble en révolte, tous les sens du corps qui se sont mis en