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plus de cinquante ans, s’est alimentée à cette source la piété française. La traduction du Dialogue est loin de valoir cependant celle des Lettres du même auteur. En maints passages elle est incertaine, incomplète, parfois même en opposition avec la pensée de l’original. On devine que le traducteur ne trouvait pas dans sa propre pensée les précisions théologiques nécessaires pour l’intelligence de celle de Catherine. De là ces hésitations qui laissent le sens obscur. Ces remarques, est-il besoin de le dire, ne sauraient faire méconnaître le dévouement à l’ordre dominicain et au culte de la sainte avec lequel ce travail fut entrepris.

Le P. Chardon avait éprouvé le besoin, a-t-il dit, de désembarrasser les périodes. C’est là en effet, du seul point de vue littéraire, la vraie difficulté de cette traduction. La phrase de Catherine dans ce livre, toujours très claire dans les mots, est assez souvent très longue, alourdie d’incidentes qui s’accompagnent de leurs explications, où la pensée se joue et s’attarde pour revenir brusquement après tous ces détours à l’idée maîtresse du début. Dès que l’on veut dans une traduction française garder la forme française, ces périodes sont intraduisibles, en leur conservant la même construction que dans l’original et la même étendue compliquée qui rend la pensée difficile à suivre. Le P. Chardon a cru éviter l’écueil en dégageant des encombrements de la phrase l’idée de Catherine, et en l’exprimant ensuite à sa manière, comme s’il l’avait conçue lui-même pour la première fois. Mais il n’a pas évité cet autre qui est de négliger nombre de détails et de trop y ajouter du sien.

Cartier a voulu serrer le texte de plus près et se plier davantage au parler de la sainte. Il s’en est tenu à faire des coupures dans ces périodes. Mais ces coupures n’ont pas toujours été dirigées par une intelligence assez pénétrante de la doctrine, par une compréhension suffisante de l’idée qui domine tout le développement.