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de l’union, sans toutefois le séparer tout à fait de son corps. Quand il fut revenu à lui, revêtu de ce vêtement de Jésus-Christ crucifié, il lui sembla qu’il n’aimait plus que d’un amour imparfait, en comparaison de ce parfait amour qu’il avait goûté en moi et qu’il avait vu dans les Bienheureux séparés de leur corps. Le poids de son propre corps n’était plus à ses yeux qu’un obstacle à ce complet rassasiement du désir, que trouve l’âme après la mort. Si imparfaite et si faible lui paraissait sa mémoire ! Elle ne lui permettait pas de me retenir, de me recevoir, de me goûter avec cette plénitude que possèdent les saints séparés de leur corps !

Tant qu’il demeurait en ce corps mortel, tout dans ce corps lui semblait une loi mauvaise en lutte contre l’esprit. Cette opposition n’était pas celle du péché puisque je l’avais rassuré de ce côté quand je lui avais dit : " Paul ma grâce te suffit (2 Co 12, 9) ". C’était cet obstacle apporté à la perfection de l’esprit, laquelle consiste à pouvoir me contempler dans mon essence. L’appesantissement du corps empêchant cette vision, Paul s’écriait donc : " O malheureux homme que je suis ! Qui me délivrera de ce corps mortel. Car dans tous mes membres je sens une loi qui m’enchaîne et qui est en opposition avec la loi de mon esprit (Rm 7, 23) " ?

C’est l’exacte vérité. La mémoire, dépendante du corps, est amoindrie par cette servitude ; l’intelligence, entravée par son poids, ne peut me contempler