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Non que Paul lui-même et mes autres serviteurs ne me voient pas et ne me goûtent pas ; cependant ils ne me voient pas, ils ne me goûtent pas dans mon Essence, mais seulement dans l’effet de ma Charité, qui se manifeste de diverses manières, suivant qu’il plaît à ma Bonté de me découvrir moi-même à eux. Toute vision que l’âme reçoit, pendant qu’elle est dans un corps mortel, n’en est pas moins que ténèbres, comparée à la vision dont jouit l’âme séparée du corps. Aussi semblait-il à Paul que les impressions sensibles arrêtaient la vue de l’esprit et que les sensations tout humaines et grossières du corps empêchaient le regard de l’intelligence de me contempler face à face ; sa volonté lui paraissait comme enchaînée et incapable de m’aimer autant qu’il le désirait, parce que, en cette vie, tout amour est imparfait jusqu’à ce qu’il parvienne à sa perfection.

Ce n’est pas que l’amour de Paul, comme celui de mes autres serviteurs, fût imparfait à raison de la grâce ou de la charité : non, sa charité était parfaite. Il était imparfait en ce sens qu’il n’était pas rassasié. De là, sa souffrance. Quand le désir est pleinement satisfait par la possession de ce qu’on aime, il n’y a plus de peine. Mais parce que, tant qu’il est dans un corps mortel, l’amour ne possède pas parfaitement Celui qu’il aime, il demeure en souffrance, jusqu’à ce que l’âme, séparée du corps, voie son désir assouvi et aime désormais sans peine.

L’âme alors est rassasiée, sans éprouver le dégoût de la satiété, parce qu’étant rassasiée, elle a cependant