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pas, sinon comme il arrive parfois, sous la pression du cœur, quand je permets à la langue d’exprimer le trop plein de l’âme, pour la gloire et l’honneur de mon nom. Cette exception mise à part, la langue en parlant ne parle pas, la main en touchant ne touche pas, les pieds en marchant ne marchent pas. Tous les membres sont liés et retenus dans le lien de l’amour. Ce lien les soumet tellement à la raison et les tient si unis au sentiment de l’âme, que, d’une seule voix et contrairement à leur propre nature, ils crient vers moi, le Père éternel, pour demander que le corps soit séparé de l’âme et l’âme du corps. Ils crient vers moi, comme le glorieux Paul : Malheureux que je suis ! Qui me séparera de mon corps : car j’ai en lui une loi perverse qui est en révolte contre l’esprit ! (Rm 8, 23-24).

Ce n’est pas seulement de la lutte de l’appétit sensitif contre l’esprit, que parlait saint Paul, car ma parole l’avait comme rassuré sur ce point, quand je lui avais dit : Paul, ma grâce te suffit ! (Cor 12, 9). C’est de son corps auquel il était enchaîné qu’il se plaignait, parce qu’il l’empêchait de me voir pour quelque temps encore. Jusqu’à l’heure de la mort son regard était arrêté et ne pouvait me contempler, moi, la Trinité éternelle, dans la vision des bienheureux immortels, qui sans cesse rendent honneur et louange à mon nom. Il gémissait donc de se trouver parmi les mortels, qui toujours m’offensent, privé de ma vue, privé de me voir dans mon Essence.